mercredi 12 novembre 2008

« Vous avez votre Liban et ses dilemmes. J’ai mon Liban et sa beauté.
Vous avez votre Liban avec les conflits qui le rongent. J’ai mon Liban avec les rêves qui y naissent.
Vous avez votre Liban, prenez-le tel qu’il est. J’ai mon Liban et je n’en accepte que l’absolu. »

Khalil Gibran, « Mon Liban »

A mesure que le temps passe et que les cours défilent, un peu de temps libre s’offre à nous. L’opportunité de quitter l’hôtel est plus qu’attirante et je décide, un matin, d’aller à la découverte de Beyrouth. Considérant la marche à pied comme le moyen idéal de visiter une ville, je m’en vais sous un soleil éclatant, prête à avaler les kilomètres. Le premier exotisme qui frappe nos esprits ordrés d’occidentaux est certainement le trafic routier. Quoiqu’avant d’en être les témoins visuels, c’est notre système auditif qui en subit les désagréments. L’usage du klaxon semble ici avoir toutes sortes de significations. Mécontentement dans les embouteillages (forts nombreux à Beyrouth), avertissement style « pousse-toi j’arrive », joie lors de mariages, « racolage de clients » pour les taxis sont autant de sentiments exprimés à travers ces bruyantes manifestations. Et l’on peut comprendre aisément, en observant le bal des quelques deux millions de voitures qui envahissent la ville quotidiennement, qu’il vaille mieux se faire sa place dans ce chaos. Pas de files distinctes sur les larges voies, pas de priorités aux croisements, des scooters qui roulent à contre sens, des feux de signalisations pas toujours respectés. Parfois il y a un policier comme posé au milieu d’un carrefour. Celui que j’observais l’autre jour avait une étrange manière de réguler le flux de véhicules : d’un geste nonchalant de la main, il indiquait à des voitures de s’engager sans même stopper celles qui venaient perpendiculairement à grande vitesse!! Mais les Libanais ont l’air de très bien se satisfaire de cette manière de faire. C’est vrai que rouler en urgence dans cette jungle demande des capacités certaines dont démonstration nous a été faite l’autre soir, lors de nos stages dans les stations.

Ma balade m’amène le long de la corniche, et la Méditerranée d’un bleu limpide s’offre à nos yeux, qui ne peuvent s’empêcher de remarquer les nombreux déchets qui flottent à sa surface. Impressionnant également, c’est la quantité de bâtiments en construction. Ceux qui longent le bord de mer sont destinés pour la plupart à devenir des hôtels ou des appartements de luxe. Ils présentent un étrange contraste avec les immeubles en ruines, détruits par des explosions parfois récentes, notamment à l’endroit où a eu lieu en 2005 l’attentat contre M. Hariri. Semblables à des stigmates, ils rappellent mieux que les monuments commémoratifs les souffrances endurcies par les habitants de ce pays.

Petit à petit, je me rapproche du centre ville, qui a en partie été restauré dans son style originel (du côté de la Place de l’Etoile). L’armée est présente, et il vaut mieux montrer patte blanche pour pénétrer dans cet ensemble de rues dans lesquelles tout est fait pour que le touriste se sente à l’aise, presque comme chez soi. Boutiques de marques, magasins de souvenirs, terrasses. Une tour orne la place de l’Etoile, elle paraît authentique mais j’avoue que l’inscription « Rolex » qui figure sur l’horloge fait très peu couleur locale…Je me dirige vers une autre tour et un magnifique palais que j’aperçois plus loin, traversant ainsi d’anciens thermes romains. Proche de mon but, un soldat me barre la route, je lui demande si on peut visiter et il me répond poliment que je vais devoir rebrousser chemin. J’apprendrais le lendemain qu’il s’agit du Grand Sérail, le bureau du premier ministre.


Le centre ville nous laisse aussi admirer quelques mosquées ( El Omari, Emir Assaf, Mohamad El Amine). Construites d’une pierre jaune, elles sont superbement bien entretenues. Moyennant quelques changements vestimentaires, j’ai l’occasion de pénétrer dans l’une d’elles, juste à l’heure de la prière. Seuls de gigantesques et pompeux lustres relèvent la sobriété des lieux. Les plafonds sont admirablement peints.


En observant bien, on trouve presque toujours une église pas trop loin d’une mosquée, comme pour marquer une vieille lutte. Pas vraiment amies, pas vraiment ennemies, elles cohabitent, tout comme les dix-neuf différentes communautés religieuses (toutes reconnues par la Constitution du pays) qui font la richesse et la complexité du Liban.


L’heure avançant, et désirant me reposer un peu avant les cours du soir, je choisis de prendre un taxi pour retourner à l’hôtel. Ayant quelques difficultés à me faire passer pour une Libanaise (j’ai abandonné mon costume pour la mosquée..), je me vois proposer le trajet pour un prix certainement exagéré. Mais je remarque dans le porte-monnaie du chauffeur des photos de ses enfants, et je pense « ..peu importe… »


C’est avec un peu plus de plaisir chaque soir que je retrouve les étudiants. Ils sont l’incarnation de ce Liban, jeunes, volontaires, désirant aller de l’avant, ensemble, oubliant leurs différences, utilisant comme une force ce qui les réunit. Leur intérêt, leur soif d’apprendre et les progrès qu’ils ont déjà fait depuis le début du cours sont pour nous une récompense pour le travail effectué depuis plusieurs mois, et une confirmation du bien-fondé de notre présence ici. Et j’espère qu’ils resteront dans mon esprit, tous autant qu’ils sont, comme un exemple à suivre lorsque je serai de retour dans mon pays.
Marie-H.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Marie - BRAVO ! suis fière de toi et surtout rassurée de savoir que la prochaine fois que nous allons en ballade tu pourras sans souci me faire passer un test ecrit en mangeant un taboulé tout en m'ajustant ma minerve ;-)

Trève de plaisanterie - vous faites un beau métier "vocation" - bonne suite à tous

Myriam